Portrait d'une Danseuse

Rédigé par Noémie Bailly et Alice Lopez

-Sayline-

Portrait de Sayline réalisé par Noémie Bailly
Portrait de Sayline réalisé par Noémie Bailly

 La MJC de Vaulx-en-Velin est un grand bâtiment aux airs de salle de sport entouré de route et d’espace verts, le lieu est ouvert mais selon des critères bien précis. Le cours de danse oriental du jeudi soir par exemple est un espace non mixte réservé aux femmes et toute intrusions d’un homme y est très mal vu. Notre présence est d’abord difficile à négocier, mais une fois admis dans l’espace nous avons le droit d’y emprunter une salle, de participer ou regarder certains cours etc. C’est au moment de filmer que l’étau des autorisations se referme inexorablement, il nous est interdit de filmer dans l’enceinte de la MJC, il faut donc trouver d’autres moyens de la faire vivre en image.

Là-bas, nous rencontrons Céline Delcroix, de son nom d’artiste Sailyne, une professeure de danse passionnée par les histoires culturelles des personnes et pays autour d’elle. Cette ethnologue en herbe nous raconte son enfance et sa découverte des danses lors d’un entretien. Nous sommes installées dans une petite pièce de réunion d’où l’on entend les voitures et les oiseaux, une table et un meuble simple sont les seuls mobiliers présents. Céline, dont nous avons fait la connaissance quelques semaine plus tôt lors d’un de ses cours de danse, installée en face de nous se lance dans un récit précis et détaillé de sa vie.

 

Enfant, débarquée d’une petite ville dijonnaise, propulsée dans la ville de Vaulx-en-Velin, elle raconte sa difficulté à s’intégrer et sa fuite en avant dans la danse. C’est d’abord une curiosité pour les danses de ses amies qui changent en fonction de leur origines, puis une rencontre avec la chorégraphie alors que dès la maternelle elle compose des danses pour ses camarades. Elle va découvrir surtout en autodidacte et grâce à divers contacte les danses orientales, africaine ou encore indiennes durant ses voyages à travers le monde. Apprenant sur place et réinvestissant son savoir une fois rentrée – chorégraphie de la biennale de la danse, projets divers de danse avec des musiciens – elle trace son chemin sans diplôme mais avec une montagne de savoir qui ne demande qu’à grandir.  

Dessin réalisé par Noémie Bailly
Dessin réalisé par Noémie Bailly

 Elle raconte cette génération d’autodidactes qu’elle a côtoyés dans son parcours, des musiciens et danseurs qui ont appris seul des savoir qu’ils ont ensuite choisi de transmettre par la performance ou l’instruction. Sa pratique de la danse, extrêmement lié à la culture des pays dont elles sont originaires, se voit toujours étudiée par le prisme de l’impact culturel dans son discours. Il s’agit pour elle de conserver, de transmettre une partie de la culture d’un peuple et d’un pays à d’autres. Elle déplore une perte du savoir à chaque génération et raconte comment certaines jeunes filles de son cours ne « connaissent rien de leurs origines ». Rien n’est pire que l’acculturation qui sévit à travers le monde, de son avis, alors qu’elle raconte comme certaines de ses amies ivoiriennes apprenaient à l’école « nos ancêtres les gaulois ».

Pas de doute, quand elle danse et transmet ses savoirs elle veut passer quelque chose du pays et de la culture d’origine à ses élèves. Durant ses cours elle n’hésite pas à raconter les changements qui ont marqués telle ou telle danse ainsi que ses racines, rappelant la diversité des danses à travers le monde. Lors de l’entretien elle esquisse quelques pas de danse kabyle pour nous montrer les modifications apparues au cours du temps. Phénomène inexorable mais dommage selon elle car il sous-entend une perte d’un premier savoir originel.

 

Nous achevons l’entretien en abordant les stages qu’elle organise pour ses danseurs et danseuses où des musiciens viennent remplacer les enregistrements habituels. Céline raconte qu’il est important selon elle de pratiquer la danse « en live », ce sans quoi les pas restent enfermés dans la salle aux miroirs immenses. Danser avec un musicien nécessite de s’accorder implicitement sur le rythme et de travailler en duo tout au long de l’exercice.